L’existence d’une relation entre le diabète, sous toutes ses formes, et une grande variété de troubles mentaux est largement reconnue.
Les individus souffrant d’épisodes dépressifs présentent un risque 40 à 60 % plus élevé de développer un diabète de type 2 par rapport à la population générale. Leurs épisodes durent plus longtemps avec une probabilité plus importante de récidive, alors même que la charge des symptômes est multipliée par quatre.
La présence des deux troubles augmente la mortalité toutes causes confondues par rapport au diabète seul. Cela ne peut pas s’expliquer uniquement par une augmentation du taux de suicide. L’atténuation des symptômes dépressifs a un effet significatif sur l’humeur, mais un impact moindre sur le contrôle de la glycémie. Les personnes atteintes de schizophrénie constituent un groupe particulièrement vulnérable, peut-être en raison des voies biochimiques communes, mais aussi des effets secondaires des médicaments, des difficultés liées au mode de vie et de la stigmatisation associée aux troubles mentaux graves qui rendent difficile l’accès aux services.1
Ce qui est peut-être moins bien perçu, sauf par les personnes qui vivent avec le diabète, ce sont les impacts psychologiques de l’annonce du diagnostic et de l’adaptation aux défis d’une gestion à vie et du risque de complications graves. Ces individus sont au centre d’interactions complexes entre des forces biologiques, sociales et psychologiques.
La détresse liée au diabète est un concept composé de plusieurs éléments étroitement liés. Les définitions varient, mais les caractéristiques communes sont les suivantes :2
- La charge émotionnelle de vivre avec le diabète,
- Le fardeau perpétuel de l’autogestion quotidienne et des complications éventuelles,
- L’impact social du diabète (stigmatisation, discrimination, manque de compréhension),
- Les difficultés rencontrées entre les personnes diabétiques et les services destinés à les aider ainsi que les implications financières.
En raison de l’étendue de la gravité et de la variété des facteurs impliqués dans le fait de vivre avec le diabète, le niveau de détresse lié à cette maladie fluctue au fil du temps et atteint son maximum après le diagnostic, lors des changements de régime ou à mesure que les complications apparaissent. Une détresse importante est liée à une mauvaise auto-gestion, à une élévation du taux de l’HbA1c, à une fréquence accrue des hypoglycémies ainsi qu’à une détérioration de la qualité de vie. Elle est également associée (lorsqu’elle est mesurée avec l’Echelle de la Détresse liée au Diabète) à une augmentation de la mortalité et des complications cardiovasculaires.
Les facteurs de stress – comme la pandémie, lorsque les personnes atteintes de diabète se sont isolées et lorsque les services de soutien se sont effacés – peuvent accroître la détresse et donner l’impression d’être laissé à la dérive. Au Royaume‑Uni, les dosages réguliers de l’HbA1c ont diminué de 77 % et les « protocole de soins » (contrôles des pieds, surveillance de la pression artérielle, etc.) sont passés de 58 % à environ 20 %.3
Si l’on n’y prend pas garde, il peut s’ensuivre un « épuisement diabétique ». Comme dans le cas de l’épuisement professionnel, la personne éprouve un épuisement physique et émotionnel, surtout lorsque, malgré tous ses efforts, le contrôle de la glycémie reste erratique. Les sentiments d’impuissance et de désengagement engendrés par cette situation aboutissent à ce que les personnes ne veuillent pas se contraindre à pas fournir les efforts continus nécessaires. Un facteur contribuant à cette situation peut être un manque de compréhension de la part des services de santé à l’égard de ces personnes. Ces dernières peuvent, par exemple, être jugées comme étant non motivées, non observantes et gênantes, ce qui engendre un cercle vicieux. Les signes peuvent inclure l’oubli de prises de doses de médicaments ou l’absence de surveillance de la glycémie, des mauvais comportements ou des comportements à risques (surtout en ce qui concerne l’alimentation) ou la non-présentation à l’établissement de soins.4
Du point de vue clinique, il est essentiel d’être en mesure de voir au‑delà des mesures de la glycémie et d’avoir la volonté d’interroger et de comprendre ce que représente la maladie pour l’individu. Certains experts préconisent l’utilisation de questionnaires de dépistage, comme le questionnaire PAID (« Problem Areas in Diabetes »), l’échelle de la Détresse liée au Diabète ou des questionnaires plus généraux sur la qualité de vie.
Parmi d’autres problèmes spécifiques, on compte la peur de l’hypoglycémie et la résistance psychologique à l’insuline. L’hypoglycémie peut être à la fois grave et angoissante à tel point que certaines personnes diabétiques maintiennent délibérément leur taux de sucre dans le sang élevé à titre préventif ou gèrent des symptômes physiques comme s’ils étaient dus à l’hypoglycémie, sans aucun test sanguin. Si ces comportements persistent, le contrôle du diabète se détériore et le risque de complications augmente tandis que la qualité de vie diminue.5
La résistance psychologique à l’insuline peut survenir lorsque le médecin recommande d’ajouter de l’insuline à un régime, généralement dans le cas du diabète de type 2. En entendant ces recommandations, la personne peut éprouver un sentiment d’échec personnel et de perte de contrôle mais aussi avoir l’impression de devoir faire face, à l’avenir, à des défis beaucoup plus graves (y compris la douleur). Dans cette situation, la confiance dans la gestion des changements est faible et les bénéfices personnels tirés du stress supplémentaire que représente l’autogestion continue sont remis en question.6
Comme indiqué précédemment, la reconnaissance est la clé pour résoudre ces problèmes et devrait être intégrée dans une gestion holistique de tous les individus. Une prise en charge efficace, se basant sur des approches centrées sur la personne pour la motivation, les compétences d’adaptation, le développement de l’auto-efficacité et la gestion du stress peuvent améliorer les taux d’HbA1c, de lipides et la pression artérielle. La thérapie cognitivo-comportementale (TCC), spécifiquement adaptée pour répondre à ces problématiques, a été utilisée avec un certain succès. Lorsque des troubles de la santé mentale apparaissent, ils requièrent un traitement à part entière.7
Chaque personne atteinte de diabète est unique, qu’il s’agisse d’un diabète de type 1 ou de type 2, d’une personne jeune ou plus âgée, insulinodépendante ou non, stable ou instable. Chaque personne dispose de ses propres expériences et ressources pour affronter ce qui est un processus quotidien à long terme, qui affecte profondément la vie à bien des égards. L’intérêt de parler du diabète de manière globale est d’identifier le besoin de proposer des interventions qui peuvent être personnalisées pour aider chaque personne diabétique à améliorer sa qualité de vie et ses résultats à long terme.8
Du point de vue assurantiel, il est important d’améliorer la reconnaissance des troubles de la santé mentale comme comorbidités (et pas simplement la maladie) pour comprendre pleinement les risques lors de la tarification et pour s’assurer qu’au moment des sinistres, les interventions sont aussi bien ciblées et efficaces qu’elles peuvent l’être pour garantir le bien-être continu de l’assuré.
Notes de fin
- Robinson D J et al. (2018) Diabetes and Mental Health. Canadian Journal of Mental Health 42 S130–S141. https://doi.org/10.1016/j.jcjd.2017.10.031.
- Turin, A & Radoljac, MD (2021) Psychosocial factors affecting the etiology and management of type 1 diabetes mellitus: A narrative review. World Journal of diabetes. 12. 1518‑1529. Psychosocial factors affecting the etiology and management of type 1 diabetes mellitus: A narrative review (nih.gov), https://dx.doi.org/10.4239/wjd.v12.i9.1518.
Chapter 3 – Diabetes distress, Diabetes.org UK. - https://www.medscape.com/viewarticle/960150?uac=117244AK&faf=1&sso=true&impID=3686004&src=WNL_ukmdpls_211004mscpedit_gen#vp_.
- Turin, A & Radoljac, MD (2021) Psychosocial factors affecting the etiology and management of type 1 diabetes mellitus: A narrative review. World Journal of diabetes. 12. 1518‑1529. Psychosocial factors affecting the etiology and management of type 1 diabetes mellitus: A narrative review (nih.gov). https://dx.doi.org/10.4239/wjd.v12.i9.1518.
- Ibid, voir la note de fin n°2.
- Ibid, voir la note de fin n°4.
- Ibid, voir la note de fin n°2.
- Chapter 3 – Diabetes distress, Diabetes.org UK.