L’évaluation cognitive par un ergothérapeute peut parfois être utilisée dans le cadre de la gestion des sinistres « Incapacité/Invalidité » ainsi que pour préparer la reprise du travail dans les cas de diagnostics initiaux de cancer lorsqu’il est fait état de manière subjective de fatigue ou de troubles persistants de la santé mentale. Ce type d’évaluation peut contribuer à accompagner l’amélioration fonctionnelle et à mesurer la capacité de travail.
Les troubles cognitifs
Les personnes ayant subi une chimiothérapie souffrent fréquemment de troubles cognitifs légers, tels que de pertes de mémoire et de difficultés de concentration, qui ont un impact sur l’exercice de professions ou de fonctions valorisées.1 Ce phénomène touche particulièrement la population des personnes atteintes d’un cancer du sein, dont le taux de survie est de 91 %.2 De la même manière, nous constatons les premières tendances liées à la pandémie de COVID‑19, qui montrent qu’une maladie aiguë peut persister à long terme et affecter les fonctions cérébrales et cognitives.3
La cognition est définie comme un processus comprenant huit domaines : l’attention, la concentration, la vitesse de traitement de l’information, la mémoire, le langage, les fonctions exécutives, l’intelligence visuo-spatiale et la psychomotricité. La fonction cognitive est la capacité du cerveau à acquérir, traiter, stocker et restituer des informations.4,5
Les troubles cognitifs liés au cancer, également appelés « chimio-cerveau », sont reconnus comme étant un effet secondaire du traitement du cancer qui affecte 30 à 70 % des personnes ayant surmonté un cancer du sein. Ces changements cognitifs ont des répercussions sur les activités de la vie quotidienne (AVQ), ainsi que sur la vie familiale et professionnelle.6 Plus de 69 % des personnes concernées sont en âge de travailler.7 Des études IRMf portant sur des vrais jumeaux âgés de 60 ans et mesurant les changements structurels du cerveau ont mis en évidence une activité accrue dans un plus grand nombre de régions, ce qui indique que le cerveau travaille plus dur pour accomplir les tâches.8
De plus, des zones hyperactives sont observées après une chimiothérapie, ce qui signifie que le cerveau compense pour maintenir des niveaux de performance adéquats. Les données suggèrent que la sursollicitation des régions cérébrales résulte de la réduction de l’intégrité et des connexions neuronales après la chimiothérapie.9
Les sinistres causés par de tels troubles cognitifs nécessitent souvent l’intervention d’un ergothérapeute afin d’évaluer les capacités cognitives et de déterminer les besoins en termes de traitement de réadaptation pour les personnes atteintes d’un cancer. Il est donc crucial que les ergothérapeutes puissent évaluer les capacités cognitives afin de mesurer les bénéfices de toute intervention.10 Face à la profusion d’outils de dépistage et de mesures des résultats, comment s’assurer que les instruments de mesure choisis par un ergothérapeute sont appropriés et suffisamment satisfaisants et fiables pour nous aider à gérer la question de la reprise du travail ?
Les interventions cognitives utilisées par les ergothérapeutes peuvent impliquer la mise en œuvre de stratégies d’adaptation et de compensation visant à aider les personnes à accomplir leurs activités professionnelles.11 Afin de concevoir ces interventions cognitives, les ergothérapeutes procèdent souvent à des tests standardisés pour identifier quelles sont les aires des fonctions exécutives touchées. Etant donné que le fonctionnement exécutif renvoie à une série de processus, il est difficile voire impossible de le mesurer avec un seul instrument. Néanmoins, son évaluation est essentielle au regard de son incidence sur la capacité à travailler d’une personne.12
Les personnes ayant été atteinte d’un cancer obtiennent souvent des résultats qui se situent dans la fourchette normale des tests neuropsychologiques. C’est pourquoi, il est recommandé d’utiliser des questionnaires d’auto-évaluation en parallèle aux tests standards de façon à déceler les conséquences d’une éventuelle dégradation cognitive perçue.13 Cette situation s’illustre encore davantage puisque les cohortes des sinistres « incapacité/invalidité » se composent souvent de personnes occupant des fonctions professionnelles à forte valeur ajoutée et à rémunération élevée dont les fonctions intellectuelles avant la maladie se situaient dans la moyenne haute (du 75e au 90e percentile), voire très supérieures (98e percentile et plus).
Réalisation d’une évaluation
La mesure d’un trouble cognitif est une opération complexe. Même s’il existe plusieurs instruments standardisés, chacun d’entre eux comporte ses propres limites. Il est impossible d’examiner toutes les facettes de la cognition. Par conséquent, une bonne anamnèse lors de l’examen clinique est primordiale pour mener l’évaluation. Les assurés déclarent souvent sur les formulaires de déclaration de sinistre ou au cours d’entretiens téléphoniques qu’ils « oublient », qu’ils souffrent de « brouillard cérébral » ou qu’ils « n’arrivent pas à se concentrer ».
Bon nombre de changements cognitifs peuvent se justifier dans un contexte de fatigue. Les assurés décrivent généralement ce malaise comme présentant plusieurs aspects, dont une difficulté à avoir les idées claires, une labilité émotionnelle (changements d’humeur exagérés), un retrait social, une diminution de la capacité fonctionnelle et de la qualité du sommeil.14
Un bilan neuropsychologique est régulièrement recommandé comme stratégie de gestion des sinistres. Le recours à une vaste batterie de tests neuropsychologiques peut se révéler irréalisable par manque de psychologues cliniciens disponibles pour les effectuer, en raison des coûts engendrés et des délais. Mais surtout, les examens neuropsychologiques peuvent ne pas être fiables d’un point de vue environnemental puisqu’ils ne sont pas effectués en environnement réel et qu’ils évaluent uniquement les composantes cognitives à l’instant donné. Dans certains cas, ces évaluations sont contre-indiquées chez les personnes présentant un trouble de santé mentale secondaire.
Un grand nombre des tests actuellement disponibles incluent des méthodes de dépistage, d’évaluation subjective et objective et d’imagerie, mais il est légitime de se demander si ces outils sont assez précis pour permettre de détecter de subtiles variations. Les outils de dépistage les plus utilisés (le Mini-Mental State Examination (MMSE), le Mini‑COG et le Montreal Cognitive Assessment (MOCA)) ne posent pas de diagnostic, mais des résultats positifs indiquent qu’un suivi plus approfondi est nécessaire.15
Pour simplifier, il convient de citer les domaines clés pour lesquels les experts sinistres recommandent à leurs cédantes de faire réaliser des tests :