La douleur est l’une des causes les plus fréquentes de consultations médicales, et l’une des principales causes d’incapacité dans le monde. Alors que la douleur aiguë est généralement brutale et provoquée par quelque chose de spécifique, la douleur chronique est souvent multifactorielle et plus complexe. La douleur chronique est le plus souvent considérée comme une sensation physique qui peut avoir un impact sur tous les aspects de la vie d’un patient, y compris son humeur, ses relations avec les autres, ses activités professionnelles, ses finances et son sommeil. Il est donc essentiel de comprendre les causes psychologiques, les répercussions et les possibilités de traitement associées à la douleur chronique pour rétablir le fonctionnement général et le bien‑être.
La composante psychosociale de la douleur chronique
Le lien entre la douleur et les troubles du comportement est frappant. Ils partagent tous deux des caractéristiques biologiques et anatomiques communes, et des études ont non seulement montré que la douleur chronique prédit de manière significative l’apparition de la dépression, mais aussi que la dépression prédit de manière significative l’apparition de la douleur chronique.1,2 De plus, certains des changements anatomiques et physiologiques associés à la douleur chronique pourraient être entretenus non seulement par la nociception (la manière dont la douleur est traitée par l’organisme), mais également par des facteurs psychosociaux, et sont au moins partiellement réversibles avec un traitement efficace.3
Par conséquent, la compréhension de l’association entre la douleur chronique et la santé mentale est essentielle pour évaluer avec précision et gérer efficacement la douleur ainsi que ses comorbidités. Étant donné que la douleur est une expérience à la fois physique et émotionnelle, il n’est pas surprenant que la perception de la douleur soit influencée par la façon dont une personne pense et se sent.
Le domaine de la psychologie de la douleur
Les psychologues de la douleur, généralement des psychologues cliniciens formés à la gestion de la douleur, ont pour objectif d’améliorer l’état général de leurs patients (physique, émotionnel, professionnel, etc.). Bien que certains psychologues de la douleur exercent de manière indépendante, ils travaillent souvent au sein d’une équipe de traitement de la douleur, plus large et pluridisciplinaire, qui comprend généralement, entre autres, des médecins, des infirmières, des kinésithérapeutes, des ergothérapeutes et des travailleurs sociaux.
Bien que les patients et les professionnels de santé s’efforcent d’obtenir une disparition complète de la douleur comme résultat final, cela peut parfois s’avérer impossible à atteindre en cas de douleur chronique. En revanche, l’amélioration fonctionnelle et la diminution de la douleur sont presque toujours réalisables.
La demande de psychologues de la douleur
À mesure que les risques et les préoccupations associés aux analgésiques traditionnels (y compris, mais sans se limiter au mésusage, à l’abus et à la dépendance) ont augmenté, la demande de psychologues spécialisés dans le traitement de la douleur s’est également intensifiée. En effet, de nombreux professionnels de santé considèrent désormais le traitement psychologique comme une thérapie de première intention pour certains types de douleur.4
Cependant, comme c’est le cas pour les professionnels en santé comportementale en général, il existe une pénurie de psychologues de la douleur. En tenant compte des variations géographiques en matière d’accès et des différences de couverture par les assurances, trouver un psychologue spécialisé dans le traitement de douleur peut s’avérer difficile, notamment pour les personnes qui en ont le plus besoin.
Sans doute en réponse directe au manque d’offre mentionné ci‑dessus, un nombre croissant de solutions de thérapie cognitive comportementale accessible en ligne et en autonomie (voir la description ci‑dessous) se sont développées. Ces solutions d’auto-prise en charge se sont révélées plus efficaces chez les personnes présentant des symptômes légers à modérés.
Thérapies pratiquées par les psychologues de la douleur
Avec pour objectif principal l’amélioration fonctionnelle, les psychologues de la douleur aident leurs patients à apprendre des stratégies pour minimiser la douleur et faire face à l’impact émotionnel et physique associé à la douleur. Voici quelques exemples de thérapies généralement utilisées par les psychologues de la douleur :
Thérapie cognitive-comportementale (TCC)
- Se fonde sur l’idée que la façon dont les personnes pensent (cognition) et ce que les personnes font (comportement) affectent la façon dont elles se sentent.
- Vise à réduire les pensées et les comportements qui entraînent une augmentation de la douleur et à les remplacer par des alternatives positives.
- Développe des capacités d’adaptation pour faire face aux émotions négatives.
- Comprend souvent la gestion du stress et de la colère, les interventions corps-esprit (par exemple, tai-chi, yoga, etc.) et les techniques de relaxation (par exemple, respiration consciente, biofeedback, etc.).
La réduction du stress basée sur la pleine conscience (« Mindfulness-based stress reduction », MBSR en anglais)
- Accroît la prise de conscience des sentiments face à la douleur en se concentrant sur le présent et en minimisant les pensées liées au passé ou à l’avenir.
- Approche sans jugement des pensées, qu’elles soient positives ou négatives.
- Peut inclure des pratiques telles que la méditation, le yoga et des techniques de respiration.
Hypnose
- Procédure de focalisation de l’attention qui fait appel à la relaxation et à la visualisation.
- Implique une induction hypnotique où des changements dans les pensées, des émotions et des comportements sont suggérés au patient.
- Détourne l’attention de la sensation de douleur.
- Aide à gérer les symptômes désagréables, les comportements inadaptés et l’anxiété liée à la douleur.
Activation comportementale (AC)
- Se concentre sur la pratique de comportements bénéfiques pour activer des émotions agréables.
- Se base sur le concept que la crainte de la douleur mène à l’évitement, au manque de renforcement positif et à la démotivation.
- Introduit des activités gratifiantes correspondant au style de vie souhaité par le patient.
- Particulièrement utile pour les personnes en isolement social en raison de douleurs chroniques et de dépression.
Psychothérapie de groupe
- Les personnes partagent des expériences stimulantes et des stratégies d’adaptation efficaces avec d’autres personnes qui vivent des situations similaires.
- Utilise la dynamique de groupe au profit de chacun des individus participants.
- Augmente la confiance en offrant un environnement sûr pour exprimer ses sentiments.
- Peuvent inclure des groupes de soutien, des groupes de thérapie cognitive-comportementale, des programmes d’autogestion des maladies chroniques et de la douleur chronique.
En raison de la nature et de la complexité des douleurs chroniques, les options thérapeutiques plus traditionnelles décrites ci‑dessus ne permettent pas toujours d’obtenir les résultats escomptés. Dans de telles circonstances, les pratiques émergentes suivantes peuvent également être utilisées par les psychologues de la douleur :
Thérapie de distraction utilisant la réalité virtuelle et augmentée
- Exposition à des environnements virtuels avec son et vidéo pour contribuer à la diminution de la douleur.
- Utilisation couronnée de succès chez les enfants brûlés.
- S’associe à une diminution de l’activité dans le cortex cingulaire antérieur.5
Imagerie motrice graduelle (IMG)
- Tente de normaliser le traitement central afin d’aider à soulager la douleur chronique.
- Utilisation en expansion qui couvre le syndrome douloureux régional complexe (SDRC) et la douleur du membre fantôme.
- Comporte souvent trois étapes :
- Exercices de reconnaissance droite/gauche,
- Imagerie motrice,
- Et exercices de thérapie par le miroir.6
Aspects relatifs aux sinistres
Les sinistres motivés par des douleurs chroniques posent des difficultés tant pour les assurés que pour les gestionnaires de sinistres. La douleur est subjective et ne peut être mesurée par une analyse de sang ou une radiographie. Pour la personne qui souffre de douleurs chroniques, cela peut sembler interminable. La douleur chronique, qui dure habituellement plus de trois mois, peut entraîner une diminution de l’activité et un isolement accru. Elle peut conduire à l’irritabilité, à l’anxiété, à la dépression et à la difficulté d’envisager l’avenir.
Le traitement est traditionnellement axé sur les éléments suivants :
- Les options non médicamenteuses telles que la kinésithérapie, l’ergothérapie, l’acupuncture, la chiropraxie et la massothérapie.
- Les médicaments non opioïdes tels que les anti-inflammatoires non stéroïdiens, le paracétamol, les crèmes, les gels et les patchs.
- Les opioïdes.
- Les interventions telles que des injections, des stimulateurs de la moelle épinière, des pompes à douleur et des interventions chirurgicales.
Chacun de ces traitements tient sa place dans la prise en charge des patients souffrant de douleurs chroniques, mais ils sont souvent insuffisants pour obtenir l’amélioration fonctionnelle souhaitée et nécessaire. L’intégration d’un traitement psychothérapeutique dans la boîte à outils de la prise en charge de la douleur peut faire une différence, et la connaissance de ces possibilités par les gestionnaires de sinistres peut apporter une contribution et un encouragement lorsque nécessaire.
Compréhension de l’activité professionnelle
Le diagnostic n’est pas synonyme d’invalidité. Dans le cadre des sinistres Incapacité/Invalidité, le gestionnaire de sinistres doit comprendre les restrictions et les limitations fonctionnelles rencontrées par les assurés dans le contexte de leurs activités professionnelles. Ensuite, il convient d’identifier les options thérapeutiques explorées ainsi que la manière dont l’individu y a répondu.
Aspects d’ordre médical
Dans le cas de la douleur chronique, il est important de considérer la personne dans sa globalité, c’est-à-dire d’examiner la cause sous-jacente et le traitement de la douleur, ainsi que les facteurs biopsychosociaux impactant l’individu.
- Quelles sont les options thérapeutiques ayant été explorées et quel en a été le résultat ?
- Un traitement supplémentaire est‑il envisagé ?
- La personne peut-elle avoir accès à des ressources communautaires ou médicales susceptibles de l’aider ?
La collecte de ces informations et la collaboration avec le professionnel de santé et l’assuré en vue d’élaborer un plan peuvent permettre de ne plus se focaliser sur ce que la personne est incapable de faire, mais plutôt sur ce qu’elle peut faire et ouvrir ainsi le champ des possibles. Une aide financière pour certaines des thérapies décrites dans cet article pourrait être envisagée dans le cadre d’un programme de réadaptation professionnelle ou de reprise du travail.
Conclusion : Prise en charge holistique de la personne
La douleur n’est pas simplement un processus physiologique et sensoriel. Il s’agit d’une expérience complexe qui est propre à chaque individu et qui doit être considérée comme telle, afin de ne pas négliger les implications psychologiques qui y sont liées et qui peuvent être prises en charge. Alors que de nombreuses personnes souffrant de douleur chronique se rétablissent au fil du temps, ou s’adaptent à leur « nouvel état », un nombre significatif d’entre elles est confronté à un stress émotionnel chronique et à des difficultés pour y faire face.
La dépression, l’anxiété, l’abus de substances et le trouble de stress post-traumatique sont des comorbidités courantes chez les personnes souffrant de douleur chronique, mais des facteurs psychologiques comme le soutien émotionnel et la résilience peuvent avoir un impact positif sur le ressenti de la douleur chez les patients.7
La douleur chronique peut acquérir une existence propre, même plus importante parfois que l’étiologie sous-jacente, ce qui peut avoir un impact sur tous les aspects de la vie. Dans le cadre d’un large éventail de services de prise en charge de la douleur, la psychologie de la douleur offre un point d’entrée pour identifier et gérer efficacement les composantes comportementales, affectives, cognitives et sociales de la douleur. Pour la majorité des patients souffrant de douleur chronique, il n’y aura pas un seul médicament ou traitement qui soulagera leurs symptômes. L’intégration de la psychologie dans le processus plus large de prise en charge de la douleur peut offrir un traitement complémentaire efficace.
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